En regardant les photographies que j’ai faites ces quinze dernière années, je constate que certains endroits reviennent comme un motif, la Manche par exemple.
J’y vais avec ma mère quand je vais la voir parce que cela nous fait une occupation qui prend la journée que je passe avec elle et que ça nous donne l’impression de faire quelque chose ensemble. En fait, non pas ensemble, mais à côté l’une de l’autre. Que sur la plage toujours vide de Varengeville-sur-Mer nos deux corps auront assez d’espace pour ne pas trop se rencontrer.
Dès que silencieusement en moi la tension se fait trop présente, je demande : « On va à la mer ? ». Et toujours on y va. On sait bien toutes les deux que c’est quelque chose que l’on peut faire. On marche en silence à distance l’une de l’autre. J’y fais des photos.
Prendre des photos est quelque chose que je sais faire. C’est même mon meilleur rempart face au monde.
Parfois, lorsque je m’abandonne à vivre, je n’ai pas besoin de la photographie. Je n’ai donc quasiment aucune image des moments où je suis pleinement là, sans gêne et sans attente. Lorsqu’en moi se tait le flot de pensées et de peurs, la photo disparait, elle n’est plus nécessaire. Parfois, la pellicule développée, je peux constater en recevant les négatifs le moment précis où j’ai renoncé à l’image.
Que l’on fasse l’examen de cette information à l’aune de nos moment passés ensemble et on aura une idée assez précise de ma présence à un moment donné.
Même en me forçant j’ai beaucoup de mal à faire une photographie lorsque je suis avec vous, j’ai alors envie de parler et de rire, de plonger mes yeux dans les vôtres, pas de me cacher. Au contraire, j’ai pu passer des moments apparement délicieux les yeux rivés à l’oeilleton, capturant chaque instant en prévision d’un futur où je pourrai peut-être enfin me réjouir de ce qui semble se dérouler devant moi.
Imaginaire de combat
-Rêver ou se battre.
-Rêver et se battre ?
-Oui pourquoi pas.
Lâcher les mains.
On y voit rien.
Alors ferme les yeux.
Alice Cuvelier 2019 © — Site par Jean Le Roy